L’univers télévisuel nous y a habitués : l’avocat est véreux ou droit et rigide comme un code pénal, le médecin est parfois froid et distant, parfois brillant et voyou, le mécanicien a trop souvent les mains graisseuses, et dispose rarement d’un scanner. Après tout, c’est juste de la télé! Il faut bien générer des émotions, haïr ou aimer. Et pour s’assurer de bien rejoindre l’auditeur, dont on sous-estime malheureusement la capacité de compréhension, il faut amplifier les personnages.
C’est probablement ce que se sont dit les artisans de la nouvelle série « Épidémie » en créant le rôle de l’infirmière affectée au tri des urgences. Ouf ! La fille a un gros problème d’attitude, et avec tout le monde, les collègues, les patients, les familles (et peut-être bientôt la direction du service…). Mais c’est un personnage, et elle n’existe pas vraiment ! J’ai beau me le répéter, un malaise persiste.
Alors que les institutions d’enseignement et les établissements de santé peinent à attirer et à recruter la relève infirmière essentielle à ce secteur névralgique de notre société, cette représentation de l’infirmière n’agit certainement pas comme un levier de promotion.
Je fais l’hypothèse qu’il aurait été possible de présenter un personnage plus crédible. Il y a plus de 75,000 infirmières au Québec. Elles ont certes des personnalités différentes et, comme dans toutes les professions, certaines sont probablement plus sympathiques que d’autres. Mais, je demeure convaincue qu’aucune ne correspond à celle qu’on nous présente ici.
On peut compter sur de très grands comédiens au Québec et les marges budgétaires de la production télé ne permettent peut-être pas de les accompagner comme on le souhaiterait dans la nuance. Et d’ailleurs, est-ce vraiment le rôle de la télé de faire une description réaliste des professions ? Peut-être pas.
Ce constat n’enlève rien à l’importance de la représentation publique des emplois. Dans le domaine de la gestion des ressources humaines, ceux et celles qui ont fait du recrutement savent qu’il faut parfois lutter pour repositionner les perceptions négatives et erronées de certains emplois, particulièrement en situation de rareté de main-d’œuvre.
Heureusement, la population a d’emblée une image positive de la profession infirmière. Les citoyens (et auditeurs) qui ont déjà visité un établissement de santé comprennent intuitivement les exigences de ce rôle et l’engagement de celles qui choisissent cette carrière. Il y aurait quand même lieu d’éviter de teinter le tout de représentations grossières et irréalistes de ces travailleuses.
On me dit d’ailleurs de ne pas trop m’en faire, que le sujet aura un impact limité, arguant que les jeunes ne regardent plus la télé, qu’ils naviguent sur le web ! Me voilà rassurée, la grande toile ne se distingue-t-elle pas pour faire dans la nuance ?